CHERCHEUR EN SCIENCES SOCIALES ET HUMAINES Juris Doctor et Magister scientiae en Science Politique à l'Université des Andes. Doctorante en Histoire à l’Université de Lyon 2. Rattachée au LARHRA. Je prépare une thèse sur l’histoire des relations franco-vénézuéliennes et la politique de coopération scientifique et culturelle France- Venezuela. Je m’intéresse également à l’histoire politique et culturelle du Venezuela.
dimanche 16 février 2014
À l'opinion publique de langue française et à tout public francophone sympathisant de la révolution bolivarienne :
On a tendance à signaler les membres de l'opposition vénézuélienne comme un petit groupe appartenant à "la bourgeoisie et la petite bourgeoisie" ; une fiction théorique alimentée par les médias et la propagande politique chaviste. On a tendance à les qualifier d'enrangés, des traîtres, des chiens de la CIA. Fort heureusement, la vérité termine un jour par éclater. Je ne vois que du peuple dans les rues des villes du Venezuela. Un peuple opprimé, ligoté, torturé et meurtri par un régime corrompu et mensonger. De tas de jeunes désespérés qui veulent vivre et construire un avenir sur le sol où ils sont nés. Les sbires payés par le régime à l'étranger et dans le territoire vénézuélien, prétendus défenseurs des intérêts des plus démunis accablent d'injures, de coups de bâton si ce n'est des balles tous ceux qui osent lever la voix pour exiger le respect des droits fondamentaux et civiques, des garanties individuelles consacrés dans le texte constitutionnel proposé et approuvé en 1999 par l'Assemblée "révolutionnaire" même. Les adorateurs du Che Guevara et d'Allende observent notre cas de loin manifestant expressément leur attachement à la version officielle des faits, passionnés et convaincus comme ils sont, du contenu anti-impérialiste des régimes mis en place à la suite des révolutions latino-américaines. Vendredi soir, nous étions réunis à la sortie du métro Bellecour, à Lyon. Un jeune passant nous montre une quenelle anti - système, je suppose, compte tenu de l'icône qu'est devenu Chávez pour ceux défendent la cause palestinienne. Je me déclare complètement à un conflit dont je ne suis pas arrivée à comprendre encore les contours. Je compatis avec ceux qui sont contre la répression du peuple palestinien et toute forme de colonisation et de dépouillement de leurs territoires et de leur culture, mais j'avoue, en tant que Vénézuélienne que grâce au "Comandante" nous sommes involontairement mêlés à un conflit dont nous ignorons tout. Je ne m'abuse pas si j'ose affirmer que Chávez lui-même, très probablement, n'avait pas une idée objective et précise du terrain où il a fourré son nez. Nombre d'experts en sciences sociales et de la psychologie, qui ont suivi son parcours, ont saisi le personnage et connaissent bien l'idioscincratie des Vénézuéliens le "Comandante" aimait les beaux discours et les prises de parole lancées de façon irresponsable et irréfléchie.
Maintenant, revenons à nos moutons. J'aimerais comprendre comment est-ce que ces gens, qui manifestement se soucient tellement du sort des peuples opprimés et des exclusions dont bon nombre de leurs propres concitoyens font l'objet, ne se mettent pas pour une minute à place du Vénézuélien moyen, désaffecté du Parti unique révolutionnaire (PSUV), dégoûté des propos qu'à cause de cela on peut tenir à son égard (ennemi de la révolution, traître, Piti yankee, et j'en passe) terminant par faire de lui un apatride. On se contente tout simplement de nous faire lui morale parce qu'il faisait partie de la classe moyenne, responsable de la ruine et du sort des classes populaires, et que grâce à cette condition d'aisance il a pu avoir accès à certains avantages. Argument hilarant si l'on analyse la condition, le radio d'action et le poids que peuvent avoir les class moyennes de n'importe quelle société dans des processus de changement politique ou de prise de décision. Le système qui se trouve être le même partout est bâti de telle manière que ces classes moyennes ne peuvent qu'être le maillot qui contribue à maintenir à flot l'économie de n'importe quel État. En réalité, ces prétendus "avantages" auxquels ce Vénézuélien que l'on critique tant et qui sert de bouc émissaire aux nouvelles élites révolutionnaires, n'ont été que moindres en comparaison à la richesse du pays et aux véritables avantages auxquels il aurait pu et dû avoir accès, compte tenu de la richesse du pays et de son niveau de qualification. En effet, ses compétences, son expérience et son niveau d'études aurait pu faire de lui, dans n'importe quelle pays développé un "expert", un "technicien", un cadre pouvant participer à la création de la richesse. À la place, il a eu le choix entre se soumettre au régime pour un salaire de misère qui ne lui suffit pas pour couvrir ses nécessités de base, ou être un paria qui essaie de survivre au Venezuela ou à l'étranger. Il résulte plus aisé en effet de nous montrer du doigt et de compatir avec la version officielle : nous sommes tous de petits bourgeois enragés !
Est-ce que ces compatissants se sont arrêtés une minute pour se poser la question de savoir pourquoi notre voix se fait chaque fois plus forte et s'avère tellement gênante ?
Non !
Alors je me permets à nouveau d'en faire écho. Nous n'avons pas seulement souffert de l'exclusion au Venezuela mais désormais à l'étranger dans notre exile volontaire ou forcé, nous sommes impuissants pour émettre un avis parce que Chávez a réussi, avec l'argent du pétrole, son discours anti- américain et ses prises de position irresponsables en matière de politique et de sécurité internationale à anéantir notre condition citoyenne et pire encore, humaine.
La meilleure preuve que Chávez était loin d'avoir les rennes du pouvoir au Venezuela fut précisément celle apportée par la manière dont son entourage et lui-même ont réussi à manipuler la population avec sa maladie.
Il convient de rappeler que dès l'année 2008 le mouvement des étudiants s'était organisé au Venezuela. En 2009 il y en a même ceux qui se sont cousu la bouche en signe de proteste. Des grèves de la faim, des veillées au sein des installations universitaires, des prières communes pour la pacification nationale... la liste des actions entreprises par ces courageux est longue.
Néanmoins, à chaque fois l'on réussissait à retarder l'implosion sociale, à discréditer l'opposition et nos demandes (on continue à le faire d'ailleurs). Au travers la négociation de nombreux emprunts, l'on a pu continuer à donner du grain à moudre à la machine qui entretenait le PSUV. En offrant des terres en concession à des exploitants venus d'ailleurs (de la Chine et de la Biélorussie), dans les Llanos, au Sud du Lac de Maracaïbo, y compris récemment dans le territoire de l'Essequibe aux Anglais [territoire géopolitiquement stratégique, pour lequel les générations précédentes ont lutté par la voie diplomatique].
Le pays est ruiné ! C'est simple. Mon avis personnel c'est que les Venezueliens sont loin d'être des enragés ou des chiens pro-imperialistes. Si une situation similaire s'était produite ailleurs dans le monde (au Moyen Orient, par exemple ou en Europe), dès le 14 avril 2014 le Venezuela serait parti en vrac. Parce que dès le 14 avril 2002 les conditions étaient données pour qu'une guerre civile achevée par une intervention internationale (ou invasion impériale selon le script chavista-castro communiste) aurait pu belle et bien avoir eu lieu.
En revanche, les 40 années de vie "démocratique" et républicaine (on sait bien que la démocratie est un idéal mais je compatis face aux critiques constructives à ce système qui est à l'évidence le moins pervers d'entre tous) et la richesse pétrolière des années 20 ont servi à constituer une classe moyenne et "civilisée". J'utilise ce dernier terme pour désigner une société qui a réussi à dépasser le stade de société "sauvage" suivant le modèle occidental du siècle dernier que les Vénézuéliens ont embrassé après leur indépendance (1810), celui des montoneras du XIX s.
En revanche, grâce à Chávez et à sa folie révolutionnaire improvisée, la seule réussite des Vénézuéliens (si nous pouvons nous permettre encore d'employer ce terme) est celle d'avoir fait un bond en arrière de 100 ans. Quelle meilleure preuve que l'état actuel de notre situation.
Alors non, je ne regrette pas l'absence physique du "Comandante", car son image et les enregistrements de sa voix sont toujours utilisés par le gouvernement illégitime de Nicolás Maduro pour manipuler une partie de plus en plus réduite de la population vénézuélienne.
Les intellectuels qui entouraient Chávez ont fait un excellent travail. Ils se sont bien chargés de manipuler l'histoire du Venezuela, ses symboles et les affinités culturelles du peuple vénézuélien lors de l'élaboration de leur théorie révolutionnaire. La même qu'ils ont réussi à exporter tout en exploitant le charisme du leader politique Hugo Chávez. Ce phénomène n'a rien de nouveau, même si l'on se creuse encore la cervelle pour trouver un préfixe autre que "néo" ("néo - populisme", néo - dictature", "néo - totalitarisme", "néocolonialisme", "néo - l'impérialisme", etc. Je profite de ce texte pour rajouter mon grain de sable à cette "néo - confusion" et de proposer le concept de "néo - opportunisme".
Chávez était malin, certes, mais il n'était pas seul. Ses conseillers savaient ce qu'ils faisaient et dans quel but. Je suis consciente qu'il est difficile de voir clair lorsqu'on est sur place, mais depuis l'étranger, travaillant dans le calme et à partir des sources historiques, de témoignages fiables et du background apporté par des longues années d'expérience et une connaissance approfondie du Venezuela, je vous assure que l'on est capable de vivre en chair et en os le mythe de la caverne de Platon.
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