mardi 23 juillet 2013

De l'usage des médias en dictature : une pratique déjà connue au Venezuela, identifiée et dénoncée jadis par les Démocrates

EXTRAIT DU MESSAGE ANNUEL DU PRÉSIDENT CONSTITUTIONNEL DE LA RÉPUBLIQUE, MONSIEUR RÓMULO BETANCOURT, AU CONGRÈS NATIONAL

Malgré les fautes de technique budgétaire déjà notées, et qui se trouvent rectifiées dans le projet de budget pour l’exercice fiscal 1960-1964, malgré aussi les évidentes déficiences de la machine administrative vénézuélienne, l’action du gouvernement dans tous les secteurs offre un bilan que je n’hésite pas à qualifier de positif. C’est maintenant, en écoutant et en lisant ce Message, en voyant les chiffres des prêts accordés, des maisons, des écoles, des kilomètres de routes construites que la Nation pourra apprécier à quel point est favorable ce bilan. Car je ne nie pas qu’il n’y a pas eu de coordination pour informer l’opinion d’une manière constante et systématique sur ce que faisait le Gouvernement et où il le faisait. La Presse, la Radio, la Télévision n’ont pas été suffisamment utilisées, je ne dis pas pour louer les gouvernants mais pour réaffirmer avec preuves que les systèmes démocratiques ne sont pas seulement respectueux des libertés publiques, mais plus efficaces que les dictateurs dans la création de biens et de services utiles à tous.[1]

Il y a peut-être une autre explication du fait que l’on ne sache pas mieux ce que fait le Gouvernement et où et comment il le fait. C’est la tendance si marquée chez les commentateurs de la presse et autres moyens d’expression, à quelque parti qu’ils appartiennent, à donner tout leur intérêt aux questions purement politiques, aux frictions entre partis, aux débats idéologiques abstraits. Déjà Depons, le Comte de Ségur, Humboldt et autres voyageurs intelligents qui nous visitèrent au XIXe siècle remarquèrent le goût et la délectation que prenait le peuple de Caracas dans le débat politique. Comme les provinciaux qui viennent vivre au pied de l’Avila semblent se contaminer de cette tendance, et Caracas, étant la capitale politique et administrative du pays il suit que cette tonique du débat polarisé vers la politique pure, et ne touchant que par la tangente les problèmes administratifs et économiques, influe sur tout le pays. Je ne critique pas : je formule une observation évidente avec laquelle je pense que seront d’accord toutes les personnes de bonne foi qui ne sont pas seulement à l’affût des paroles d’un Chef d’État pour les interpréter avec malveillance à des fins sectaires. Et de même que je constate le fait, je signale comme possible et désirable que l’on mette une sourdine à ces débats qui n’intéressent que le pays politique et laissent indifférentes la nation et cette énorme partie des Vénézuéliens qui n’aspirent qu’à voir résolus les problèmes concrets qui les affectent.

Caracas, le 29 avril 1960.



[1] L’utilisation extrême des médias à des fins de propagande politique a été une habitude invétérée des régimes dictatoriaux vénézuéliens.



C'est ainsi, grâce aux médias, que le dictateur Perez Jiménez (1950-1958) s'est soudain transformé dans le modernisateur de la Nation, quand bien même les rapports en matière d'éducation et des services sanitaires publics révèlent un recul notable.




Dans une dépêche du 24 février 1959, M. Pierre Denis, Ambassadeur de France au Venezuela, fermait ainsi sa présentation du 1er discours du Président Betancourt au Congrès (le 11 février 1958) :

 Arrivé au terme de son discours et constatant que le Gouvernement constitutionnel prend son départ, « avec la garantie d’un solide aval de l’opinion publique et assuré du loyal appui des Forces Armées », le Président rappelle à celles-ci les nombreux contacts qu’il vient d’établir avec elles dans tous les domaines et s’engage à veiller sur tous les problèmes qu’il leur reste à résoudre « derrière les façades de constructions spectaculaires qu’elles n’ont ni sollicitées, ni désirées ».[1]




[1] Le Président Betancourt fait référence aux travaux publics menés durant la dictature de Perez Jiménez, dans le cadre de sa « politique de concret ».

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